La nature interroge la pensée plastique de Muriel Moreau (Paris, 1975). Ses réponses sont subtilement traitées à travers les sillons qui creusent le vernis appliqué sur le métal et qui seront, postérieurement, mordus par l’acide. Une technique traditionnelle comme l’eau-forte qui, modulée par l’artiste avec une maîtrise indéniable, est capable de dire des mondes, de tracer des écritures complexes, de générer des perspectives inédites et de mobiliser le spectateur devant l’image qui en résulte. Il ne s’agit donc pas d’envisager l’aspect graphique en tant que fin en soi mais en tant que composante active d’une proposition dont la densité technique dépasse celle de la simple représentation.
La nature et ses rapports présumables avec le corps humain constituent le point de départ des récits visuels de Muriel Moreau. L’exploration à la limite des deux iconographies est un moyen de marquer et de proposer un certain retour à une origine abstraite, à des formes essentielles qui passent aujourd’hui inaperçues face à un panorama déterminé par la digitalisation du regard. Le cosmos et l’humain se réconcilient ainsi : le paysage se redessine avec le rouge du sang et les capillaires s’enfoncent dans l’épaisseur de la forêt. Illusion et réalité, présence et absence, sont des binômes qui s’élèvent à un niveau discursif où la nature et le corps ne s’opposent pas mais s’imbriquent dans un processus d’enchaînement formel et conceptuel.
Il surgit par ailleurs, de ce jeu de connexions entre différents plans, un ensemble de pièces qui culmine dans la transposition tridimensionnelle : des éléments recueillis de la nature entrent en contact afin de générer une surface nouvelle, à mi-chemin entre la cabane primitive et le heaume rituel. Comme les maquettes d’une architecture symbolique, circulaire et sans directions privilégiées, ils s’éloignent de l’ordre géométrique de la construction architectonique moderne pour énoncer, comme cela était le cas pour les eaux-fortes, des parcours au seuil du cosmogonique.
Consciente du fait que la gravure, ainsi que toute discipline artistique, a été et se trouve en continuel processus de transformation, Muriel Moreau réfléchit au sens actuel de son usage en tant que moyen générateur d’une poétique visuelle complexe et pleinement contemporaine. Et l’artiste nous offre, au moment où Google Earth s’érige en paradigme cartographique, une manière de lire le monde dans laquelle l’être humain n’est pas un élément extérieur qui observe mais une réalité enracinée dans l’espace habité lui-même.
Texte : Carlos Delgado Mayordomo
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