L’œuvre de Marina Le Gall expose la nature. Une nature qui nous apparait sauvage, celle des forêts, des sous-bois ou des animaux qui les peuplent. Dessins et gravures donnent à voir l’enchevêtrement, la densité du végétal. L’animal est peint ou modelé en céramique à la luminosité froide. C’est l’animal chassé par l’homme, d’ailleurs le plus souvent représenté mort. C’est aussi l’animal chasseur, celui qui achève la mise à mort. Quoi qu’il en soit, c’est bien du vivant dont il est question ici. Dans son immédiateté ou sa violence, la nature se dévoile comme un corps vivant. Ce que ces œuvres rendent sensible, c’est une sorte d’élan vital, de force ou de vibration élémentaire. Elles mettent en jeu cet anima, au sens premier du terme, ce souffle vital, qui définit les espèces du règne animal, que ce soit les animaux ou les hommes. Chez Marina Le Gall, l’homme n’est jamais montré, toutefois sa présence est souvent sous jacente. Il a donné la mort à l’animal, il est à l’origine des cheminements ouverts dans la forêt. Mais l’autorité de l’homme sur la nature n’est plus, dans ces œuvres, qu’un signe voir un passage. Si elle marque le spectateur au premier regard, elle est mise en doute. Elle tend à s’effacer au fur et à mesure que le spectateur s’imprègne de l’œuvre. Marina Le Gall amène celui-ci à quitter sa posture anthropocentriste. Aussi perturbant que ce cela puisse être pour lui, le spectateur est conduit au cœur du vivant, à un niveau où il perd sa position élevée de regardeur. Il doit faire l’expérience de la nature comme être, en empathie avec les rythmes du vivant. La nature est ici autant affaire de vérité que d’intériorité.
Franck Lepin
Champ de roches, 2015, dessin, technique mixte, 100 x 150 cm.